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Carnets d'Egypte

Faire les courses - Caire

25 Octobre 2014 , Rédigé par Théo V. Publié dans #Texte à thème, #Caire, #Egypte

Le moment exact où nous avons commencé à aimer notre propriétaire, c’est lorsqu’il nous a fait faire le tour du quartier avec lui, juste après avoir signé le contrat. Pour nous présenter à chacun des commerçants des alentours ; ils connaissent tous le « Docteur Yehia », qui a vécu ici et à qui appartient tout l’immeuble. D’après ce que nous avons compris, il leur a signifié : « voilà, les petits français qui sont là ne parlent pas arabe, ne connaissent ni les prix, ni les rues, ni les coutumes, mais ce sont des locataires à moi ». Dès lors, nous étions sous sa protection, et il ne fallait pas nous arnaquer. Nous en avons vu beaucoup faire ce geste, un index pointant chaque œil, dont le Dr Yehia nous a dit qu’il signifiait, en gros, « not on my watch ».

En deux semaines, nous avons eu le temps de nous familiariser avec les environs et de reconnaître ceux qui avaient suivi le Commandement et ceux pour qui ce n’est pas le cas.

Nous avons totalement changé de système de courses – enfin, surtout Laure ; moi, Saint Denis m’y avait déjà partiellement habitué.

Nous allons rarement au supermarché « pour occidentaux », le Orange. Deux fois depuis que nous sommes installés. Si le plein de boustifaille pour deux nous coûte aussi cher que ce que j’achetais, seul, pour la même période, dans mon Carouf Dionysien, cela reste tout de même hors de prix pour le pays. Nous y voyons assez peu de clients ; et, à notre déception, peu de vrais produits occidentaux. Oubliés, la crème fraîche, le bon fromage, l’alcool, le porc… nous n’avons trouvé que de l’huile d’olive et du Nutella, chers.

Si notre chemin du retour, gros sacs sous le bras, a semblé amuser beaucoup d’Egyptiens, nous avons vite compris pourquoi. Ici, peu de monde fait comme nous. Il faut dire qu’autour de chez nous se trouvent largement assez de petits bouis-bouis, magasins et vendeurs de rues pour se fournir tous les jours sur le trajet sans se muscler les bras.

Tous les jours, ou presque, nous y allons et achetons eau[1] et pain. Nous avons le choix entre une vendeuse de rue, qui commence à connaître ma tête et mes habitudes, et semble prendre plaisir à ce que je la salue chaque fois que je passe devant chez elle ; et une boulangerie, à la marchandise plus diversifiée. De manière générale, nous payons 2,5 livres pour cinq galettes de pain. De même pour l’eau ; tous les magasins vendent des bouteilles de Dasani ou de Nestlé – Pure Life[2] ; voire de gros bidons de six litres. Mais j’aime aller chez ce petit épicier au bas de notre immeuble, qui, ne parlant pas un mot d’anglais, semble malgré tout réjoui de m’offrir un gâteau occasionnellement et d’écouter mon dialectal bafouillant que je pratique avec lui, à la sortie des cours.

Le souk et les étals de rue nous offrent légumes et fruits à petits prix. Par contre, Laure a clairement détecté que ces marchands ne semblent pas connaître le Douktour, puisque le pris est le même à chaque fois : dix livres, quelle que soit la quantité et les produits pris. On se doute que le vrai prix serait en dessous, mais il nous semble si dérisoire que nous ne prenons pas la peine de négocier…

Nous pouvons aussi essayer de nombreux vendeurs pour la viande. Enfin, la viande. Le choix, ici est très limité. L’essentiel de nos protéines vient des poulets dont nous commençons déjà à nous lasser… Au début, nous nous en sommes tenus aux viandes déjà cuites, par peur de ce que nous voyions. D’une part, les poissons laissés toute la journée, sur leu étal, à la merci des mouches, de la chaleur et de la poussière des gens et des voitures… Sans que l’on puisse savoir, au petit matin, si ceux qui nous observent de leur œil mort étaient déjà là la veille, où viennent d’arriver. Et puis, la viande qui subit souvent le même sort ; avec en plus cette sensibilité dont je me moquerais si je n’y étais pas sujet, du léger haut le cœur qui me prend lorsque je vois un boucher saisir un poulet, un pigeon ou un lapin qui s’ébattait jusque là paisiblement dans une cage en plastique devant laquelle je suis passé cent fois, pour l’égorger et le préparer sous mes yeux.

Pourtant, malgré les mises en garde de nos amis, nous avons tenté (rendons à César ce qui appartient à César : Laure a décidé que nous allions tenté) d’acheter un poulet cru. Qui s’est révélé être une dinde. Et ne nous a pas encore tué, ni envoyé au lit pour cinq jours de tourista.

Béni soit Dieu.

Nous trouvons par ailleurs un peu partout des magasins de tout et n’importe quoi. Souvenirs, parfums, papyrus pour les touristes ; informatique, habits, sous vêtement, électroniques, appareils photos, téléphonie (je vous expliquerais à l’occasion le système local), chaussures… et puis, ces épiciers de rue qui vendent de quoi grignoter, boire ou fumer à un prix ridicule – pour des Français. D’ailleurs, ce fut l’instant saisissant du test de qui allait suivre le commandement de Yehia.

Bien peu des marchands de cigarette, au vrai. J’en ai trouvé un, qui me vend me paquets de Winston à 14 livres. Avec qui les rapports ont commencé de façon surréaliste[3] :

- 21 livres le paquet ! (de Marlboro, nda)

- Non, d’habitude, c’est 20, et tu m’avais dit 20.

- Ha, tu habites ici ?

- Ben… oui.

- Ah okay, 20 livres alors.

Oui, nous avons conscience de l’aspect étrange de la chose, mais nous nous sommes habitués à négocier une, deux, trois livres. Par principe. Parce que nous rebutons encore à nous faire arnaquer avec le sourire à cause de notre couleur de peau.

Et, dans le même temps, nous pratiquons (très peu pour l’instant, mais cela viendra sans doute) cet usage de riches qu’est la livraison à domicile. Pour l’alcool, les fast foods, et même le supermarché (si nous disons que nous sommes des locataires du Douktour Yehia), il existe des sites ou, sans bouger de chez vous, vous pouvez demander à être livré tout et n’importe quoi.

La livraison coûte cinq livres.

Je suis donc au paradis des flemmards, et pourtant, je n’ai jamais bougé autant et passé tant de temps à comparer les différents marchands.

[1] L’eau du robinet, à ce qu’il paraît, n’est pas potable.

[2] Je n’ose même pas imaginer le prix de l’eau d’Evian ici… je songe à installer un trafic.

[3] Traduction instantanée de ce savoureux mélange de signes, d’arabe dialectal et d’un anglais douteux.

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A
Hâte de lire le remake de Chicken Run fait par des eurafs haha !
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