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Carnets d'Egypte

Premières impressions - Le Caire

3 Octobre 2014 , Rédigé par Théo V. Publié dans #Caire, #Texte à thème, #Egypte

Pour ce premier article "à thème" (voir l'Appel à témoins pour les étourdis : http://theocaire.over-blog.com/2014/09/appel-a-temoins.html), j'ai d'abord penser à lister quelques mots, qui pourraient résumer ces "premières impressions", et à les expliquer. Mais trop d'entre eux me sont venus en tête, sans que je puisse en choisir quelques-uns ; et puis, le but est de vous donner des nouvelles (et envie de nous rejoindre), pas d'écrire une Encyclopédie.

Alors j'ai changé d'avis. Je vais simplement vous raconter la première vision du Caire, qui est encore fraîche.

Au fait, mes excuses à ceux à qui j'avais promis un texte mercredi. Comme vous allez le voir, je suis un peu pris. J'essaierais d'être plus régulier à l'avenir.

A mon réveil, les souvenirs de l'arrivée d'hier soir sont encore puissants. La descente de l'avion, acheter un visa, le policier qui ne parle pas bien l'anglais, monter dans la voiture de mon hôte, prendre le périph' tout en l'écoutant me raconter déjà le pays, les premiers haut-le-coeur (comment ça s'écrit au pluriel, cette expression ?) face à la conduite Egyptienne aussi déplorable que dans les exagérations les plus folles de ceux qui étaient déjà venus, la chaleur qui me frappe en sortant de l'habitacle climatisé ("ah oui, je t'ai pas dit, on est montés à 40°C aujourd'hui")…

A mon réveil, putain, je suis au Caire.

Certes, à Maadi, un quartier plutôt calme et à l'écart du centre, habité surtout par des classes aisées. Certes, avec du double vitrage qui filtre les bruits de la rue et les appels du muezzin. Certes, chez une française pur beurre qui ne vit ici "que" depuis cinq ans...

Alors, quand le fils d'amis d'amis vient me chercher, nous partons bien vite dans les rues.

Taxi (hauts-le-coeur (?)) puis métro. Là, je me dirige évidemment vers le wagon réservé aux femmes ; il m'arrête juste à temps en me promettant un châtiment exemplaire si jamais je pose le pied sur ces plateformes.

Les autres wagons ressemblent à ceux de Paris, si ce n'est que le métro roule en extérieur et qu'il est donc essentiellement rempli d'hommes. On me jette quelques regards curieux. Un mendiant aveugle passe, hurlant je ne sais quoi en arabe ; les gens le guident des mains, de la voix.

- Tu peux donner un petit quelque chose, mais pas à chaque fois, me dit R. ((j'ai oublié de lui demander si j'avais le droit de mettre son prénom).

On rejoint Laure, une amie française arrivée ici deux jours avant. En l'attendant à la sortie du métro, j'étouffe déjà ; pourtant, curieusement, le soleil ne tape pas très fort. Pour preuve, je n'ai pas encore brûlé sans jamais mettre de crème solaire. Il paraît que c'est la pollution qui fait ça. En effet, on a l'impression de respirer un air vicié ; pourtant, les marchands installés tout autour font resplendir la rue des effluves de leurs étals, mangeaille partout qui me fait grincer l'estomac. Il y a aussi du matériel info, des lunettes, des pin's, tout et n'importe quoi dans des stands qui m'appellent en arabe ; bruit permanent, hallucinant, qui ferait passer une manif' française pour un rassemblement de joueurs de bingo.

Elle arrive. On va à Tahrir. Bon dieu, je vous ferais tout un article sur Tahrir parce que sinon, j'y suis encore demain.

On se perd dans les rues, à la recherche d'un restaurant. La première chose qui me frappe, c'est que les façades sont sales. Le désert proche, la pauvreté, la pollution se conjuguent pour couvrir les plus belles façades d'une couche de poussière et de crasse. Et pourtant, certaines mériteraient du nettoyage. Détails architecturaux magnifiques, grands bâtiments (plus ou moins) officiels ressemblant à des barres de Seine-Saint-Denis ou aux plus belles mosquées Européennes. A côté d'un cadavre de chat, une portée de chiots grouille autour de la mère qui nous regarde d'un air fatigué. R. nous indique ce qui fut une place, transformée en parking sauvage ("une personne s'est garée là et puis les autres ont suivi"). Les gens conduisent très mal, toujours, embouteillant les rues ; il n'y a pas toujours de trottoir, ce qui me fait risquer ma vie à chaque instant, moi et mes yeux niais rivés sur chaque détail. Les gens nous abordent, nous crient : "Welcome to Egypt !" en nous entendant parler français. On essaye, sans succès, d'activer la carte SIM Egyptienne que j'ai acquis pour pas grand-chose un peu plus tôt.

Nous arrivons sur une place ronde où nous attendons à côté d'un épicier - au sens propre : il vend des épices - et d'un marchand de viandes grillées. Je grince de plus en plus fort. Occasion d'observer les gens. Ici, homme ou femme, pas question de pantacourt : tous les pantalons (ou djellabas) descendent jusqu'aux chevilles. VDM pour moi, mes glandes sudoripares et mes jambes velues. La plupart (que dis-je ? presque l'ensemble) des femmes sont voilées. La présence de R. nous évite les arnaques, mais les gens nous lancent des regards en permanence.

Autre détail qui me frappe soudain : pas d'écouteurs visibles. Dans le vacarme de la rue, personne n'écoute de musique ; mais souvent, nous croisons une personne en train de chantonner, et le muezzin [1] couvre cinq fois par jour le boucan de sa voix plus ou moins mélodieuse (dépendant de la qualité de sa sono).

Un associé du père de R. nous rejoint. Embrassades d’une bonne minute (rôôôôh, exagération est mère de captivation) entre les deux hommes, qui me surprennent dans ce pays où « se tenir la main est le comble de la pornographie en public » (dixit R. et son don – au moins égal au mien – pour l’exagération et les conneries pince-sans-rire racontées au petit Français ignorant). Il nous indique le chemin du Felfela, resto en question. On s’y dirige. On y bouffe comme des rois, à trois, pour vingt euros. « C’est cher », commente R. Je vais me plaire, ici.

Alors que la nuit tombe, je commencer aussi à remarquer les regards que les hommes portent sur Laure. J’avais entendu des histoires de harcèlement, lu des témoignages de mecs chiants voir dangereux dans toute l’Afrique… Là, on y est confrontés. Pour vous donner un exemple, devant l’ATM d’HSBC, trois hommes en costume impeccable se retournent une fois qu’elle a le dos tourné, souriant les uns pour les autres.

Je comprends l’attitude protectrice de R. pour sa petite sœur.

Et puis, tout d’un coup, le Caire de nuit. Les lumières allumées cachent la crasse et la ville n’est plus que belle. Il y a toujours les tas d’ordures ou de gravats, les bâtiments pas finis, les mendiants à tout coin de rue ; mais je pourrais rester ainsi toute la nuit, sans bouger, à tourner sur moi même pour tout comprendre du mouvement permanent qui agite artères et petites rues…

Entre-temps, nous avons visité des appartements, je vous en dirais plus là-dessus aussi. Je vais vous en dire plus sur les flics à chaque coin de rue, les traces du Printemps et celles de l’époque Nassériste. Je vous parlerais des mosquées, des hommes barbus et des minarets qui pointent vers le ciel. Je vous parlerais de ce sentiment de connivence implicite, avec les quelques touristes à l’air fatigué qui rentrent aussi chez eux. Enfin, je vous évoquerais les taxis, la conduite, le métro et les bus. Je pourrais même vous parler de ce sentiment de lassitude physique immense, de la fatigue que provoque cette ville, combinée à une ébullition excitée du cerveau qui en demande plus.

Mais j’ai une année – enfin, neuf mois – à tenir avec ces thèmes. Alors, faites comme moi et contentez vous de cette mise en bouche d’une première ballade, première journée, premiers… tout. Promis, je reviens vers vous. Si Le Caire m’en laisse le temps.

[1] A vos Wikipedias, petits ignorants.

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